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Vœux 2023

Vendredi 27 janvier 2023

Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir pour la traditionnelle cérémonie des vœux. Le début d’une nouvelle année, déjà bien engagée, permet de s’arrêter un instant, dans la succession de nos activités quotidiennes, pour vivre un temps de gratuité et de convivialité, et cela s’avère d’autant plus précieux que nous en avons été privés ces dernières années. C’est aussi l’occasion de faire mémoire de certains évènements du passé et de nous placer face aux défis que nous sommes appelés à relever.

Sans revenir sur tous les grands évènements de l’année 2022, je ne peux pas ne pas évoquer les élections qui l’ont profondément marquée. Ce fut un moment important de la vie de notre société et de notre démocratie. Il ne s’agit pas pour moi de sortir de mes attributions en faisant de la politique, mais de souligner que les élections ont manifesté que notre société a changé sur les plans, économique, social, culturel et même religieux ! Il faut reconnaître, de ce point de vue, que la pandémie et la guerre en Ukraine ont fortement impacté la vie de la société française et plus largement celle du monde. Dans ce contexte qui s’accompagne nécessairement d’une certaine instabilité et d’une réelle inquiétude pour beaucoup, je tiens à exprimer mon estime et celle de l’Église catholique, aux personnes qui s’engagent dans le politique pour servir, selon des approches différentes, le bien commun. 

Comme l’a souligné le Concile Vatican II, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. […] La communauté des chrétiens, [l’Eglise], se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire ». A ce titre-là, je forme des vœux pour que, dans ce monde où les changements engendrent bien des questions et des inquiétudes, nous puissions, dans la diversité de nos convictions et de nos croyances, nous rassembler sur l’essentiel, à savoir le respect de la personne humaine, de sa dignité, de ses droits et de ses devoirs, de sa place au sein de notre maison commune, de cette création qu’il nous faut protéger, pour que, demain, d’autres que nous puissent bénéficier de ses dons. Je souhaite aussi que nous ayons à cœur de promouvoir, ensemble, l’attention aux personnes fragilisées, exclues, blessées, à celles et ceux qui sont aux périphéries de notre société pour diverses raisons.

En repensant aux évènements de l’année 2022, comment ne pas mentionner les conséquences de ces violents orages de grêle qui ont si durement affecté le territoire du Ribéracois ! Pour ma part, j’ai été marqué par le mouvement de solidarité dont cet évènement dramatique a été l’origine. Et, je tiens, ce soir, à m’associer à l’hommage rendu aux sapeurs-pompiers, aux gendarmes, aux membres des associations caritatives, ainsi qu’aux élus des communes concernées qui, impactés, pour beaucoup d’entre eux par cette catastrophe naturelle, ont su se donner sans compter, sans oublier le courage et l’abnégation dont la population locale a témoigné ! Les élans multiples et spontanés de solidarité ont révélé, dans l’affrontement à l’épreuve, ce qu’il peut y avoir de meilleur en tout homme et toute femme, ce que nous sommes capables de partager, afin que l’espoir renaisse, et cela, même si tous les problèmes dans le Ribéracois ne sont pas encore réglés !

En élargissant mon regard aux dimensions de la société française, je suis aussi interpelé dans mon humanité et dans ma foi par le grand besoin de présence auprès des personnes dans les derniers temps de la vie aussi précieuse à mes yeux que les premiers instants, parce qu’il y va de la vie elle-même et de son sens. On juge la valeur d’une civilisation à la manière d’accueillir les premiers temps de la vie comme les derniers, aimait à dire l’abbé Pierre. Concernant les derniers temps de la vie, je suis porté à croire à l’importance d’un accompagnement vécu dans ces présences faites d’attention, de respect, d’écoute et de délicatesse, auprès de celles et ceux dont le chemin sur cette terre s’approche de la fin. Pour avoir écouté de nombreux témoignages, il me semble important, dans une société où tout est fait pour occulter la réalité de la mort, d’apprendre à veiller avec celles et ceux qui souffrent de l’angoisse de mourir, d’apprendre à les soutenir et à les réconforter, par-delà les discours lénifiants, pour être simplement, humblement, une présence partagée qui ouvre à l’espérance. Dans cette perspective, il me semble que l’accès pour tous aux soins palliatifs pourrait devenir un bel objectif pour promouvoir dans notre société la joie de choisir toujours davantage la vie, et pour contribuer ainsi à servir la vie jusqu’à son dernier souffle de celles et ceux qui nous ont tant donné. Nous savons bien que ce chemin d’humanisation pour une société plus juste et plus fraternelle est bien loin d’être achevé ! Je profite de ces vœux pour exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance aux personnels soignants, ainsi qu’aux membres des aumôneries des hôpitaux et des EPHAD.

Vous savez que l’Eglise catholique a été profondément impactée par la tragédie des abus dont certains de ses membres se sont rendus coupables et, pour cette raison notamment, elle ne prétend pas se poser en donneuse de leçons dans les débats sociétaux ! S’il est vrai qu’à titre personnel, j’ai été profondément blessé, comme beaucoup d’autres, par la révélation des abus intolérables qui ont été commis, je peux témoigner de la volonté qui a conduit à la mise en œuvre d’un travail de purification nécessaire pour permettre à l’Eglise d’aller humblement et patiemment à la racine des problèmes, en prenant en compte la souffrance des victimes de ces abus, afin de chercher à mieux servir l’annonce de l’Evangile dans les débats qui constituent pour la société française comme autant de défis à relever.

Je ne reviens pas sur les évènements marquants de la vie de notre Eglise, le synode et la participation de tous à l’annonce de l’évangile, les formations lancées pour atteindre ces objectifs, les transformations et les conversions à vivre personnellement et en communauté pour une plus grande coresponsabilité au service de la mission. Mais, parmi toutes les réalités qui témoignent de l’engagement et de la qualité de présence des chrétiens catholiques en Périgord, je tiens ici à mentionner le travail des membres des aumôneries catholiques auprès des détenus de la Maison d’arrêt et des centres de détention de notre département. J’ai pu en faire la belle expérience à l’occasion des différentes célébrations de Noël. 

Dans une société affrontée à de profondes mutations, surgit nécessairement la question des religions et de leur place. Dans la société française qui reste majoritairement marquée dans son histoire par l’apport du christianisme, il y a notamment la question de la place de l’Islam, avec les peurs qui lui sont associées. A ce sujet, le Pape Benoît XVI nous a souvent invités avec insistance à ne pas nous laisser emporter par les flots de nos peurs, mais à entrer dans ce qu’il appelait un dialogue avec la raison humaine, à savoir, l’écoute et la compréhension, et par-dessus tout, la recherche de la vérité dans le respect de l’autre. Ce sont toujours les valeurs humaines et éthiques, honorant la personne humaine dans toutes ses dimensions (y compris dans sa quête spirituelle) qui ont contribué à l’émergence et au développement d’une société ouverte aux différences et soucieuse de les promouvoir pour s’en enrichir. C’est le dialogue authentique qui a toujours permis à la société française de découvrir sa véritable identité, sans jamais oublier ses racines. Dans ce sens, je me réjouis des liens d’amitié qui, ici, en Périgord, se sont tissés entre les différentes Eglises chrétiennes et avec les autres religions. Ils attestent de cette réalité que les religions peuvent contribuer à l’avènement d’une société fraternelle, d’une société respectueuse des différences ! 

Pour conclure, je tiens à exprimer notre profonde reconnaissance aux municipalités et aux pouvoirs publics pour les efforts et les choix qui sont faits au service de l’entretien et de la valorisation du patrimoine culturel et religieux dont notre département est si riche, ce qui contribue d’ailleurs à son attractivité et à sa réputation ! Et je me réjouis des initiatives multiples prises pour l’habiter et le faire vivre. A ce sujet, j’ai eu l’occasion de voir le spectacle intitulé Horizon qui, dans le cadre du festival Mimos, a été proposé à la cathédrale, en étroite collaboration avec l’Agora de Boulazac. Je confesse que j’y suis allé avec quelques inquiétudes ! Mais, finalement, j’ai été emporté par la qualité de ce spectacle qui a su associer la beauté du lieu, tout en favorisant l’élévation intérieure grâce notamment aux performances des acrobates. En regardant ce spectacle, je pensais à ce que le saint Pape Jean-Paul II écrivait dans sa Lettre aux artistes pour le jubilé de l’an 2000 : « Toute forme authentique d’art est, à sa manière, une voie d’accès à la réalité la plus profonde de l’homme et du monde. Comme telle, elle constitue une approche très valable de l’horizon de la foi, dans laquelle l’existence humaine trouve sa pleine interprétation. Voilà pourquoi la plénitude évangélique de la vérité ne pouvait pas ne pas susciter dès le commencement l’intérêt des artistes, sensibles par nature à toutes les manifestations de la beauté intime de la réalité » (N°6). Dans cette perspective, je souhaite que puissent se développer des initiatives qui, dans le strict respect des lieux, contribueront à nous ouvrir à l’invisible, afin de nous permettre d’accéder à la réalité la plus profonde de l’homme et du monde. 

Je termine donc en vous souhaitant la paix pour vous et pour tous, cette paix à laquelle nous aspirons tous et que nous savons brisée en Ukraine et dans tant d’autres pays du monde ! Je souhaite aussi que nous puissions devenir des artisans de paix. Aidons-nous à arpenter ce chemin dans l’année qui vient, pour servir, là où nous vivons, cette si noble cause ! Tel est mon vœu le plus cher. Tel est aussi le cœur de ma prière et de ma pensée pour vous, au début de cette nouvelle année. 

         Philippe MOUSSET

Evêque de Périgueux et Sarlat

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