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Tous les chemins ramènent à Rome

Il y a très longtemps, j’ai tenu une librairie dans le quartier historique d’une grande ville. Elle avait belle allure à l’angle de deux rues piétonnes avec sa façade de bois, sa grande cheminée, ses murs de pierres blondes couverts de livres. C’était l’époque de la vague New Age : chacun cherchait sa voie dans une offre pléthorique d’ouvrages consacrés à ce qui allait devenir très tendance : le développement personnel saupoudré de syncrétisme religieux. Dans ces années-là, l’exotisme spirituel et la quête du bien-être intérieur poussaient une grande partie de la jeunesse du vieux continent sur la route des Indes et celle de Katmandou.

Au sein de cette librairie, j’offrais un large rayonnage dédié aux spiritualités orientales, sans mettre de côté la tradition spirituelle chrétienne dont j’étais alors éloignée parce qu’orpheline d’Église.
En 1980, je fis la rencontre d’Annick de Souzenelle. Elle venait d’écrire un ouvrage qui rencontrait un certain succès auprès de ceux qui, sans repères, se perdaient dans une quête spirituelle sans fin. Le Symbolisme du corps humain en donnait une lecture à travers le prisme de la tradition hébraïque. Elle vint dans ma librairie pour donner une série de conférences qui rassemblèrent, durant un an, un groupe réceptif. Les échanges particuliers que nous eûmes alors furent un détonateur. En bousculant mes conformismes, elle m’a ouvert une voie, celle du royaume intérieur où réside le dieu inconnu. Elle m’a remise sur les rails d’une vie religieuse en me faisant connaître l’Église orthodoxe de France dont elle était, avec son mari, un vivant pilier.

Lorsque j’assistai à Paris à ma première divine liturgie de rite occidental, ce fut un choc, une joyeuse déflagration. Je fus portée par une puissance spirituelle qui enveloppe et élève. Je trouvai là ce que je cherchais depuis si longtemps : l’ouverture du cœur. Quelques mois plus tard, la liturgie pascale me fit connaître la joie totale de la résurrection qui me laissa dans une profonde allégresse. Ainsi donc, le christianisme était joyeux. Alléluia !

En entrant en compagnonnage pendant plusieurs années avec cette Église orthodoxe de France, je fis des rencontres précieuses qui m’ouvrirent à la théologie de l’Église d’Orient. Je découvris les Pères de l’Église et, pas à pas, j’entrai dans la pratique de la prière du cœur. Je faisais l’apprentissage d’une mystique libératrice et verticale.

Puis, mon expérience de libraire cessa. Des rencontres tout aussi riches orientèrent ma vie professionnelle sur de nouveaux chemins qui exigèrent un investissement total. Des choix de vie s’imposèrent, bouleversant mon confort personnel. Cependant, bien qu’éloignée de l’Église orthodoxe, les dynamiques intérieures de ma métanoïa continuèrent à faire leur œuvre. Au fond de moi revenaient, de manière récurrente et persistante, l’image de ce moine au sourire extatique que je vis devant la porte de la Grande Chartreuse l’été de mes 18 ans, et le visage si lumineux de frère Roger, rencontré à Taizé ce même été.

Bien que restant à la périphérie de cette Église catholique que je trouvais prisonnière d’un système doloriste et moralisateur, j’assistais à quelques cérémonies de façon très épisodique. Mais le temps faisait son œuvre et la grâce avec lui, car peu à peu, plus fort que mon déni, m’apparut la nécessité de l’eucharistie ! Alors, je suis revenue vers l’Église de mon baptême, enrichie de mon expérience orthodoxe, et j’ai trouvé dans l’Église de mon enfance la joie profonde et la force de la louange. De belles rencontres m’y ont aidée.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, à plus de soixante-dix ans, nourrie par des canaux venant de la même source, me voici prête à entrer enfin dans la lecture de saint Paul.

Martine Noverraz

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