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“Se souvenir, revenir, se reposer, réparer et se réjouir” : Message du Pape François pour le Temps de la Création

Tous les ans, le pape François rédige un message pour la célébration de la journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création, lançant ainsi le Temps de la Création, une période œcuménique propice aux actions et à la réflexion autour de l’Écologie.
Ce temps a revêtu une importance particulière depuis la publication de l’exhortation apostolique Laudato Si’ (LS) en mai 2015 dans laquelle le souverain pontife exposait sa vision de l’écologie intégrale. Cette année, nous célébrons à la fois les 5 ans de Laudato Si’ et les 50 ans du Jour de la Terre. Retour sur les temps forts de ce message.

Dans son introduction, après avoir rappelé le sens du Temps de la Création (« les chrétiens, dans le monde entier, renouvellent la foi en Dieu créateur et s’unissent de façon spéciale dans la prière et dans l’action pour la sauvegarde de la maison commune »), le pape François se réjouit du thème choisi pour cette année « Jubilé pour la Terre ». Un jubilé, explique-t-il, parce que cette année 2020 marquait le 50è anniversaire de la Jour de la Terre (célébré pour la première fois aux États-Unis le 22 avril 1970, et devenu véritablement mondial en 19901), et, surtout, « Dans les Saintes Ecritures, le Jubilé est un temps sacré pour se souvenir, revenir, se reposer, réparer et se réjouir.« 

Un temps pour se réjouir

« Nous sommes par-dessus tout invités à nous rappeler que le destin ultime de la création est d’entrer dans le « sabbat éternel » de Dieu. C’est un voyage qui a lieu dans le temps, embrasse le rythme des sept jours de la semaine, le cycle des sept ans et la grande Année jubilaire concluant
les sept années sabbatiques. » C’est par ses mots que le pape introduit la notion, parfois un peu compliquée, de jubilé, il tient ensuite à mettre ce terme en perspective : « Le Jubilé est aussi un temps de grâce pour faire mémoire de la vocation originelle de la création à être et à prospérer comme communauté d’amour. » « (…)Le Jubilé est donc un temps pour le souvenir, où il faut conserver la mémoire de notre existence interrelationnelle. Nous avons constamment besoin de nous rappeler que « tout est lié, et la protection authentique de notre propre vie comme de nos relations avec la nature est inséparable de la fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux autres » (LS, n. 70) ».

Un temps pour revenir

Dans cette seconde partie, nous sommes confrontés à la nécessité de revenir sur nos erreurs en tant qu’êtres humains, à considérer les liens qui nous unissent au reste de la Création, à la nature, faune et flore, mais aussi à nos frères, toujours dans l’idée d’écologie intégrale développée dans Laudato Si’. Nous sommes également invités à regarder combien la surexploitation de la Terre est un non-sens, et pour cela le pape invoque Benoît XVI : « La consommation brutale de la Création commence là où Dieu est absent, où la matière est désormais pour nous uniquement matérielle, où nous-mêmes sommes les dernières instances, où le tout est simplement notre propriété » (Rencontre avec le Clergé du Diocèse de Bolzano-Bressanone, 6 août 2008).

Et, puisque tout est lié, une attention particulière doit être portée à celles et ceux qui souffrent : « Le Jubilé nous invite à penser de nouveau aux autres, spécialement aux pauvres et aux plus vulnérables. Nous sommes appelés à accueillir de nouveau le projet initial et aimant de Dieu pour la création comme un héritage commun, un banquet à partager avec tous les frères et sœurs dans un esprit de convivialité ; non pas dans une compétition déréglée, mais dans une communion joyeuse, où l’on se soutient et se protège mutuellement. Le Jubilé est un temps pour donner la liberté aux opprimés et à tous ceux qui sont pris dans les fers des diverses formes d’esclavage moderne, dont la traite des personnes et le travail des mineurs. »

« Nous avons besoin de revenir, en outre, à l’écoute de la terre, désignée dans l’Ecriture comme adamah, lieu d’où l’homme, Adam, a été tiré. Aujourd’hui, la voix alarmée de la création nous exhorte à retourner à une juste place dans l’ordre naturel, à nous rappeler que nous sommes une
partie, et non pas les patrons, du réseau interconnecté de la vie. » « (…) Particulièrement durant ce Temps de la Création, écoutons le battement de la création. » « (…)La terre dont nous avons été tirés est donc un lieu de prière et de méditation : « Réveillons le sens esthétique et contemplatif que Dieu a mis en nous »
(Exhort. ap.Querida Amazonia, n. 56) ».

Un temps pour se reposer

Le pape François évoque ici la nécessité de revoir nos modes de consommation. Ce cycle incessant de la consommation à outrance, est en train, nous dit-il , d’épuiser l’environnement : « Les forêts disparaissent, le sol est érodé, les champs disparaissent, les déserts avancent, les mers deviennent acides et les tempêtes s’intensifient : la création gémit ! » (…) « Il nous faut trouver aujourd’hui des styles de vie équitables et durables, qui restituent à la terre le repos qui lui revient, des moyens de subsistance suffisants pour tous, sans détruire les écosystèmes qui nous entretiennent. »
Il nous invite à revoir nos habitudes à l’aune de ce que nous avons pu vivre durant le confinement :  » Nous devons profiter de ce moment décisif pour mettre fin à des activités et à des finalités superflues et destructrices, et cultiver des valeurs, des liens et des projets génératifs. Nous devons examiner nos habitudes dans l’usage de l’énergie, dans la consommation, dans les transports et dans l’alimentation. Nous devons supprimer de nos économies les aspects non essentiels et nocifs, et donner vie à des modalités fructueuses de commerce, de production et de transport de biens. »

Un temps pour réparer

C’est à l’action que nous sommes invités dans cette quatrième partie. En se tournant vers les pays du Sud, le pape François rappelle ce qu’il appelle une « dette écologique énorme » due au « pillage des ressources ». Il l’affirme « le Jubilé est le temps d’une justice réparatrice », renouvelant ensuite son appel à annuler la dette des pays les plus fragiles, à la lumière des ravages du COVID-19. C’est aussi vers le climat, en demandant aux participants à la prochaine COP 26 de prendre des objectifs ambitieux et des mesures adéquates, que le pape mène sa réflexion. Une attention qui se porte également sur la sauvegarde de la biodiversité et la protection des communautés autochtones, fustigeant les multinationales qui « font dans les pays moins développés ce qu’elles ne peuvent dans les pays qui leur apportent le capital » (LS, n. 51). Là encore, il fait appel à un de ses prédécesseurs, Saint Jean-Paul II, qui en des termes forts a parlé d’ « un nouveau type de colonialisme » (Saint Jean-Paul II, Discours à l’Académie Pontificale des Sciences Sociales, 27 avril 2001, cit. in Querida Amazonia, n. 14). Le pape François conclut cette partie en demandant un véritable effort sur les législations nationales et internationale…

Un temps pour se réjouir

Loin de sombrer dans le catastrophisme, tout en reconnaissant les terribles enjeux de la situation, le pape cherche à susciter l’enthousiasme, rappelant que « Dans la tradition biblique, le Jubilé est un évènement joyeux, inauguré par un son de trompette qui résonne sur toute la terre. »
Il veut avant tout faire preuve d’optimisme en se concentrant sur les initiatives qui sont prises un peu partout dans le monde, cette prise de conscience par les jeunes générations de l’importance qu’il faut accorder à notre environnement. Il se réjouit également de voir à les communautés chrétiennes, œcuméniques, à l’occasion de l’année spéciale Laudato Si’ (qui s’étale du 24 mai 2020 au 24 mai 2021) s’emparer de la question, en diocèses, en paroisses, dans les familles, les entreprises…

En conclusion François termine par ces mots lumineux, pleins d’espoir : « Réjouissons-nous parce que, dans son amour, le Créateur soutient nos humbles efforts pour la Terre. Elle est aussi la maison de Dieu, où sa Parole « s’est faite chair, elle a habité parmi nous » (Jn 1, 14), le lieu constamment renouvelé par l’effusion de l’Esprit Saint. »

Que retenir ?

Dans son message le pape, redit avec force les éléments-clés de Laudato Si’, l’écologie intégrale, la nécessité de considérer que nous faisons partie de la Création, que nous n’en sommes pas propriétaires. Il nous rappelle également que sa vision de l’écologie s’accompagne de gestes forts : annulation de la dette des états les plus fragiles, contrôle des actions des multinationales, demande d’engagements environnementaux de la part des gouvernements, tout en s’appuyant sur la communauté internationale. L’écologie du pape François c’est aussi le souci des plus fragiles des populations exploitées, ici ou ailleurs… Loin d’être une liste utopique, le message du pape François est au contraire une formidable source d’inspiration pour celles et ceux qui savent que la Création est la plus grand œuvre de Dieu et qu’à ce titre nous avons le devoir de la protéger.

1. Voir l’article sur le jour de la Terre dans Wikipédia

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