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Service Communication

Message pastoral de rentrée

« Vous êtes la lumière du monde. […]
Que votre lumière brille devant les hommes. »
(Matthieu 5, 14a ; 16a)

Vie spirituelle, Mission et Communion

Lorsque le pape François a lancé cette vaste consultation du Peuple de Dieu pour préparer le document de travail du Synode des Évêques prévu à Rome en octobre 2023, « Pour une Église synodale : communion, participation et mission », mon cœur de baptisé et de pasteur s’est réjoui. Cette joie a surgi comme une espérance missionnaire parce qu’il me semble que, dans le contexte actuel, nous sommes appelés à nous interroger sur ce que Dieu veut dire à son Église, afin que l’Évangile soit annoncé à tous. J’ai donc accueilli cette consultation synodale comme une chance à saisir pour le service de la mission, en vue du bien de tous.

En prenant appui sur la synthèse diocésaine réalisée à partir de la contribution de plus de 80 équipes, j’ai donc entrepris, après en avoir demandé la grâce au Seigneur, de me mettre à l’écoute des expressions dans leur diversité. Car, dans ce qui a été exprimé, il y a des joies, des attentes et des espoirs, mais aussi des déceptions et des souffrances. Il y a, par ailleurs, des paroles qui témoignent d’une réelle disponibilité pour la mise en œuvre du Synode, avec cependant une crainte non dissimulée que l’on tienne pour rien ce qui a été vécu et exprimé. Et puis, il y a des expressions qui attestent clairement d’une prise de distance avec certains changements demandés dans le fonctionnement de l’Église, ainsi qu’avec certains propos concernant notamment les prêtres.

Face à cette grande diversité, je ne vous cache pas que je me suis interrogé : Comment faire Église avec autant de différences ? Comment vivre en communion au nom de notre foi commune en Christ ? Comment apprendre à « marcher ensemble » pour décupler nos énergies au service de la mission ?

Le 29 juin de cette année, fête de St Pierre et de St Paul, en écoutant le passage des Actes des Apôtres qui raconte la nuit où Pierre, emprisonné et enchainé, a été réveillé et libéré par l’ange du Seigneur, une lumière s’est levée dans mon cœur. J’ai accueilli pour moi-même la parole que l’ange adresse à l’Apôtre en le frappant au côté : « Lève-toi vite. » (Ac. 12,7). À ce moment-là, je crois avoir compris que nous vivions quelque chose de ce récit des Actes des Apôtres et que nous étions appelés par le Seigneur à nous réveiller intérieurement pour nous lever, afin de relever, dans le souffle de l’Esprit, les défis pastoraux de nos communautés, et cela, malgré la pauvreté de nos moyens et de nos ressources qui pourrait parfois nous enchainer. J’ai alors pensé au Synode en vue duquel le Pape François a voulu que le Peuple de Dieu soit consulté. Il me semble, en effet, qu’à travers cette démarche, nous sommes invités à devenir cette Église qui, à l’appel de son Seigneur, fait le choix de se lever plutôt que de se replier sur elle-même ; une Église capable, dans le souffle de l’Esprit, de se laisser saisir et renouveler par l’élan de la résurrection de Jésus, Christ et Seigneur ; une Église qui, avec la grâce de Dieu, ne craint pas d’ouvrir toutes grandes ses portes, de rompre les chaines qui l’empêchent d’être une maison et une école de la communion dans un monde marqué par tant de divisions et de luttes ; une Église capable de cultiver l’art de l’écoute, de l’accueil, de l’accompagnement, du dialogue et de la réflexion, sans jamais renoncer à partager le trésor de l’Évangile qui lui a été confié ; une Église humble qui ne craint pas de se mettre en route avec empressement, à la suite de Marie partie visiter sa cousine Élisabeth, une Église qui, sans s’attarder à trop se regarder, à se plaindre de sa pauvreté ou à ne voir que ce qui va mal, s’organise, animée et guidée par l’Esprit saint, pour aller à la rencontre de notre monde, brulée au cœur par la passion d’annoncer l’Évangile à tous.


Dans cette perspective, j’ai relu avec enthousiasme l’Exhortation apostolique du Pape François, La Joie de l’Évangile, qui nous redit avec force ce que la Tradition, en fidélité à Jésus, a toujours tenu comme essentiel, à savoir que la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde, c’est d’évangéliser ! Le Pape François souligne notamment que l’enthousiasme dans l’évangélisation se fonde sur la conviction que « nous disposons d’un trésor de vie et d’amour qui ne peut tromper, le message qui ne peut ni manipuler ni décevoir ». Et, il ajoute que « cette conviction, toutefois, est soutenue par l’expérience personnelle, constamment renouvelée, de goûter [l’amitié de Jésus] et son message. » (La Joie de l’Évangile, n°265-266). Autrement dit, tout part de la rencontre personnelle du Christ. Car, « à l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. » (Benoit XVI, Lettre Encyclique, Dieu est Charité, 25 décembre 2005, n°1) Ainsi, l’expérience véritable de la rencontre du Christ Jésus conduit toujours à porter un regard nouveau tant sur soi que sur les autres et sur le monde, un regard éclairé par cet amour infini dont nous goutons le bonheur d’être aimé et qui nous révèle le sens ultime et profond de ce que nous sommes et de ce que nous vivons. Alors celui qui a rencontré le Christ et cultive en lui cette relation si précieuse, comprend peu à peu ce qui est essentiel pour lui et pour les autres, parce qu’il fait l’expérience que l’Évangile, le Christ Vivant, répond aux nécessités les plus profondes de chaque personne en ce monde et que « c’est la vérité qui ne se démode pas parce qu’elle est capable de pénétrer là où rien d’autre ne peut arriver » (La Joie de l’Évangile, n°265). Voilà pourquoi le pape François nous invite à redécouvrir le caractère toujours urgent de la mission et nous appelle à devenir, dans la diversité de nos vocations et de nos états de vie, des disciples missionnaires. En un mot, nous ne pouvons pas garder pour nous ce trésor qu’est l’Evangile, et cela, sans pour autant nous mettre la pression ou faire pression, car la seule pression que nous pouvons accepter, c’est celle de l’Esprit Saint !


La fonction de gouvernement dans l’Église :
Pour la participation de tous au service de la mission


Parler de l’urgence de la mission, c’est bien ! Encore faut-il ne pas oublier ce qui la définit et ce qui l’oriente ! Dans ce sens, la Tradition catholique a précisé la mission de l’Église au moyen de trois verbes : enseigner, sanctifier et gouverner. Ils ont été remis en lumière d’une manière particulière par le concile Vatican II. Dans une époque récente, nous parlions aussi d’annoncer, de célébrer et de servir. Ces fonctions ne doivent pas nous faire oublier ce que la Tradition a toujours considéré comme le socle de la mission, à savoir la grâce du Baptême qui fait de tout baptisé un prêtre, un prophète et un roi. À ce sujet, le Pape François souligne dans son Exhortation apostolique, La joie de l’Evangile, que « chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. » (N°120). C’est là le propre de ce que la Tradition nomme le sacerdoce baptismal auquel a toujours été articulé le sacerdoce ministériel (celui exercé par les ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres). Et, faut-il ici le rappeler, le sacerdoce ministériel a été institué pour servir, fortifier, encourager, soutenir, nourrir l’exercice du sacerdoce baptismal. Autrement dit, sacerdoce baptismal et sacerdoce ministériel ne sont pas en concurrence mais doivent toujours pouvoir se vivre, articulés l’un à l’autre, pour permettre à ce Corps qu’est l’Église d’accomplir la mission que lui a confiéecle Seigneur Jésus qui est la Tête de ce Corps. Mais, parce que de nombreux participants à la Consultation en vue du Synode se sont exprimés sur la fonction de gouvernement dans l’Église, je crois important de prendre le temps de m’arrêter un peu plus longuement sur cet aspect.

La réflexion ecclésiologique du Concile Vatican II a permis et donné à L’Église de pouvoir s’organiser pour le service de la mission dans un contexte sociologique, culturel qui a totalement changé. De ce point de vue, nous avons conscience, pour la plupart d’entre nous, de vivre, non pas une succession de changements, mais un changement d’époque, comme le répète souvent le Pape François ! De là vient que le Christ confie à son Église, dans le souffle de l’Esprit Saint, la responsabilité d’adapter l’annonce de l’Évangile à ce contexte radicalement nouveau, et cela sans aucune compromission ! C’est tout l’enjeu du Synode voulu par le Pape François. Mais, nous pourrions être tentés de penser que ce renouveau nécessaire s’avère impossible à cause du Droit de l’Église et des normes en vigueur, sauf à décider de passer outre ! Évidemment, telle n’est pas la perspective envisagée ! Car, à bien y regarder, nous sommes loin d’avoir épuisé les possibilités d’animation et d’initiatives que nous offre la Tradition de l’Église, ainsi que le Droit canon. Au début de son ministère, le Pape François a rappelé l’importance de la créativité, ou pour le dire autrement, de la recherche de voies nouvelles pour annoncer l’Évangile ; et, dans cette perspective, le Saint-Père a souvent souligné que l’Église, et aussi le Code de Droit Canonique, nous offre tant et tant de possibilités et de libertés pour chercher ces choses.

Il me paraît important de rappeler que ce renouvellement est dans la nature même de la vie de l’Église. Certes, comme le Saint Pape Jean-Paul II a pris soin de le souligner dans son Exhortation apostolique, À l’aube du troisième millénaire, « il ne s’agit pas alors d’inventer un « nouveau programme ». Le programme existe déjà : c’est celui de toujours, tiré de l’Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste. C’est un programme qui ne change pas avec la variation des temps et des cultures, même s’il tient compte du temps et de la culture pour un dialogue vrai et une communication efficace. […] Il est toutefois nécessaire qu’il se traduise par des orientations pastorales adaptées aux conditions de chaque communauté. » (N°29). C’est tout l’enjeu et le sens de ce renouvellement auquel notre Église est appelée, pour être toujours plus fidèle à sa vocation, en ayant à cœur de promouvoir une spiritualité de la communion, qui favorise « une écoute réciproque et efficace entre les Pasteurs et les fidèles, les tenant unis a priori dans tout ce qui est essentiel, et les poussant, d’autre part, même dans ce qui est discutable, à parvenir normalement à une convergence en vue de choix réfléchis et partagés. » (Ibid., n°45). Il me
semble que, dans le contexte actuel, la fonction de gouvernement au sein de l’Église doit être plus que jamais au service de cette spiritualité de la communion pour que le renouvellement de l’Église garde, par le don de l’Esprit Saint, le cap de la mission, de l’annonce de l’Évangile à tous !

J’ai conscience, et un certain nombre de groupes l’ont exprimé, que la fonction de gouvernement pose la question de l’exercice de l’autorité dans l’Église. Parler d’autorité ou de pouvoir dans l’Église nous met souvent mal à l’aise. Et pourtant, quand il s’agit de considérer l’Église comme une communauté humaine et visible qui se doit d’être bien organisée, nous pouvons nous demander légitimement : Qui va décider ? Qui va choisir d’engager la communauté dans telle ou telle direction ? Comment concilier liberté de chacun et obéissance ? Comment faire en sorte que le plus grand
nombre de baptisés soient associés au discernement préalable à toute décision, sans pour autant laisser penser que l’Eglise ne serait qu’une démocratie parlementaire parmi tant d’autres ?
Ce sont là de vraies questions qui ne doivent pas nous faire oublier ce que Jésus nous appelle à vivre dans l’exercice de nos responsabilités et de l’autorité liée aux ministères reçus et confiés en vue du bien de tous : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. » (Matthieu, 20, 25-27). Dans cette perspective, il est une figure omniprésente dans les Écritures, que je voudrais vous inviter à contempler comme une manière d’exercer l’autorité dans l’Église, celle du Bon Pasteur.

Jésus, le Bon Pasteur

La Tradition, dès le premier siècle, s’est référée à cette figure du Christ, Bon Pasteur, comme la source et le modèle du gouvernement dans l’Église. La force de cette image s’est imposée pour désigner ceux qui reçoivent la mission de conduire le Peuple de Dieu. Cette mission consiste donc à le garder, à le nourrir, à en prendre soin, à le connaitre dans la proximité, à le rassembler, tout en ayant toujours à cœur de partir à la recherche de la brebis égarée. Il me semble que cette image du Bon Pasteur demeure encore aujourd’hui la référence nécessaire à une juste compréhension de l’exercice de l’autorité et du pouvoir dans l’Église. Ainsi, c’est dans la charité pastorale que se déploie cette autorité. Force est de constater que cette image possède une puissance inégalable pour renverser une approche trop humaine et trop mondaine des questions d’autorité et de pouvoir au sein même de l’Église. Elle nous bouscule et, en même temps, donne à la fonction de gouvernement sa spécificité chrétienne. Nous comprenons ainsi pourquoi les Pères du Concile lui ont accordé une place si importante. Je suis convaincu qu’elle peut et doit tous nous inspirer, dès lors que nous exerçons une responsabilité dans l’Église.

Au fond, à l’exemple du Bon Pasteur et à sa suite, la fonction de gouvernement et l’autorité dans l’Église sont au service de ce Marcher Ensemble, afin qu’il ne soit jamais synonyme de fusion ou de confusion dans l’exercice des diverses responsabilités, au risque sinon de donner prise à d’inextricables conflits, par manque de clarté dans les objectifs missionnaires, les projets, les délégations et les lettres de mission. Dans ce sens, il me semble que la grâce du Synode, voulu par le Pape François, est de disposer tous les membres de l’Église à avancer ensemble sur le chemin d’une véritable coresponsabilité, en valorisant les ministères et les charismes en vue du bien de tous, et en promouvant cette spiritualité de la communion qui conduit toujours à reconnaître, dans le Christ, que personne ne peut s’estimer supérieur aux autres. Car, cet élargissement à tous dans la participation à la mission n’enlève rien à personne ! Bien au contraire, vécu sous l’autorité du Christ, Bon Pasteur, et dans le souffle de l’Esprit, il peut contribuer à faire de nos différences une chance pour la mission, plus encore, l’espace où nous apprenons à vivre en communion les uns avec les autres, afin que le monde croie en Celui qui en est la source, Jésus, Christ et Seigneur. Pour cela il nous faut être convaincus que tout ce que nous allons entreprendre est orienté vers un renouveau missionnaire, avec la grâce de l’Esprit, plutôt que vers une gestion des acquis. Évitons de nous enfermer dans le « on a toujours fait comme ça » pour trouver ensemble les moyens de revisiter à frais nouveaux nos structures pastorales et pour retrouver un élan missionnaire ici, en Périgord.

Dans cette perspective, je souhaite réunir, sans trop tarder, les prêtres et les diacres, afin qu’ensemble, nous puissions nous mettre à l’écoute de ce qui a été exprimé dans notre diocèse, à l’occasion de la consultation du Peuple de Dieu, pour en recueillir les fruits en vue d’une véritable conversion pastorale et d’un renouveau missionnaire de notre Eglise diocésaine.

Toujours dans cette perspective, dès le début de cette année pastorale, un document de travail sera réalisé et largement diffusé afin de permettre aux paroisses, aux Services diocésains, ainsi qu’aux Mouvements dans leur dimension diocésaine, d’apporter leur contribution aux réformes nécessaires pour que la fonction de gouvernement fasse droit à une véritable coresponsabilité dans les différentes instances concernées, tout cela en vue de favoriser une vie fraternelle pétrie par l’écoute de la Parole de Dieu et attentive au service des petits et des pauvres, une vie fraternelle qui témoigne de l’actualité de l’Evangile pour notre monde.

Par l’intercession de Notre Dame de Capelou, nous te demandons, Seigneur Jésus, de nous apprendre à marcher humblement ensemble en ta présence et, à l’écoute de ta parole et de l’Esprit Saint, à consentir à nous en remettre à toi pour que ton Eglise en Périgord puisse, aujourd’hui comme hier, annoncer à tous la joie de l’Evangile.

Au terme de ce message, je vous redis, chers amis, frères et soeurs, ma proximité dans l’amitié fraternelle et le service de la mission, et je vous assure de ma communion dans la prière.

+ Philippe MOUSSET,
Évêque de Périgueux et Sarlat
1er Septembre 2022

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