“C’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de sommeil !”
Romains 13.11
Chers frères et sœurs,
Avec la fête de la Pâque du Seigneur et le temps pascal, nous voici au fondement de notre foi chrétienne, de notre joie et de notre espérance. Pourtant, force est de constater que nous sommes dans une époque compliquée, pleine d’interrogations et de défis, une époque où nous sentons la grande fragilité des équilibres humains et sociaux, chez nous et dans le monde. Je pense notamment à la guerre qui se déroule aux portes de l’Europe sur le sol ukrainien, avec son triste cortège de victimes et de personnes contraintes de tout abandonner pour fuir cette tragédie humaine. Ce conflit nourrit de graves inquiétudes, tout en nous convoquant à une prière ardente et à la conversion pour devenir des artisans de paix dans notre vie quotidienne. Je pense à la pandémie qui nous a tous marqués, d’une manière ou d’une autre, et dont nous ne sommes pas encore totalement sortis. Elle a mobilisé beaucoup d’énergie et de courage de la part des personnels soignants. Elle a entrainé des blessures, généré des angoisses, mis à mal l’unité, tout en permettant aussi de belles solidarités. Reste à savoir comment nous allons apprendre à vivre avec ce virus ! Je pense encore au rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église (CIASE) qui a provoqué une véritable onde de choc, et qui a suscité, à juste titre, de l’indignation, du découragement et, parfois, de la révolte. Pourtant, ce Rapport, voulu par les Évêques de France et porté par l’attention prioritaire due aux personnes victimes, ainsi qu’à leur accompagnement, est un appel adressé à tous les membres de l’Église à veiller à ce que de tels abus ne puissent plus jamais se produire dans l’Église, et à faire en sorte que, dans la fidélité à Jésus-Christ, l’Église redevienne une maison sûre pour tous. Enfin je pense à l’élection présidentielle et à l’enjeu qu’elle représente quant aux choix de vie en société, au respect inconditionnel de toute vie humaine, ainsi qu’au respect et à la promotion d’une véritable liberté et d’une écologie intégrale.
Quelle résonance et quelle force peut avoir l’évènement de la Résurrection, à travers les récits qui en sont faits, dans ce contexte de crise ?
Dans l’époque troublée que nous vivons, la question des femmes qui vont au tombeau n’est-elle pas finalement la nôtre ? « Qui va nous rouler la pierre ? ». Oui, qui va nous rouler la pierre de cette actualité qui nous enferme de bien des manières dans la tristesse, la morosité, le découragement, l’inquiétude, ou encore l’angoisse ? Pour le dire autrement, comment l’évènement de la résurrection du Christ peut-il trouver un écho dans nos vies et nous permettre de renaître à l’espérance et à la confiance, à la suite des femmes au tombeau et des Apôtres ? Puisque le message pascal fait jaillir la vie de la mort, ne sommes-nous pas appelés à ce cheminement intérieur qui nous conduira à découvrir que l’Amour qu’est Dieu peut réussir à nous rouler la pierre et à nous ouvrir un avenir là où nous ne voyons que des fermetures ? Car, nous croyons, dans la lumière du Ressuscité, que Dieu peut se frayer un chemin en ce monde tel qu’il est, que la puissance de Dieu peut transformer nos vies, nos cœurs de pierre en cœurs de chair !
L’évènement de la Résurrection est une Bonne Nouvelle pour tous les hommes et pour toute la création.
Dans la foi au Christ ressuscité, nous sommes donc appelés à nous laisser saisir intérieurement par la puissance de résurrection et de vie qui a jailli du tombeau, au matin de Pâques, afin de contribuer à l’avènement de ce monde nouveau dont Jésus-Christ est le premier-né et la pierre d’angle, un monde de paix, de partage, de justice, de fraternité, un monde fondé sur le respect de la création et de toute personne. De ce point de vue, il peut y avoir en nous, non seulement un peu d’hésitation, mais aussi de la peur ! Et, comment ne pas nous rappeler que, d’après les évangiles, les manifestations de Jésus ressuscité ont d’abord provoqué un mouvement de peur et de recul chez les disciples, tant il est vrai que personne ne s’attendait à un tel dénouement, malgré les annonces répétées par Jésus de sa mort et de sa résurrection ! Si nous avons peur, il est d’autant plus important que nous invoquions l’Esprit Saint et que nous nous laissions habiter par lui, pour passer, dans la lumière de Jésus ressuscité, du découragement à la joie, de la peur à la foi. Car, « la résurrection du Christ n’est pas un fait relevant du passé ; elle a une force de vie qui a pénétré le monde » (Pape François, la Joie de l’Évangile, n°276). Elle nous rejoint et nous saisit aujourd’hui encore. Oui, nous croyons que le Christ ressuscité est vivant au milieu de nous et qu’il nous tient fermement la main, encore plus quand nous devenons fragiles, pour nous faire passer des ténèbres à son admirable lumière, de la mort à la vie. Et c’est encore lui, Jésus ressuscité, qui nous invite à nous tenir la main les uns aux autres et à prendre soin les uns des autres.
Pâques le temps de la mission.
A ce stade de la réflexion, nous comprenons que l’évènement de la Résurrection concerne toute l’humanité et ce monde dans lequel nous vivons. C’est la raison pour laquelle, en fidélité à l’Évangile, le temps de Pâques est aussi le temps de la mission ! A la suite des premiers disciples, nous sommes tous envoyés pour témoigner de cette Bonne Nouvelle. Et, s’il est vrai que nous sommes devenus minoritaires, nous avons, aujourd’hui comme hier, à redécouvrir que nous sommes dépositaires d’un trésor destiné à toute l’humanité et à la création. Ce trésor, c’est l’Évangile, puissance et sagesse de Dieu, Sel de la terre et lumière pour le monde. Mais nous savons que ce trésor, nous le portons dans ces vases d’argile que sont nos propres fragilités face à l’indifférence et parfois à l’opposition du monde.
Permettez-moi de vous partager une parole d’encouragement ! Vivons avec humilité, ardeur et fidélité, selon l’originalité de l’Évangile du Christ, pour discerner cet Amour qui traverse tant de vies et d’histoires. Oui, le maître-mot est « amour » parce que « Dieu est amour : « Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. » (1 Jean 4,16) Là est la source de notre espérance ! Ne nous laissons pas voler l’espérance, comme le dit si souvent le pape François. Témoins de l’Amour plus fort que la mort, n’ayons pas peur (Cf. saint Jean 6,20) de sortir de nos cercles habituels pour aller à la rencontre des autres. Laissons-nous toucher et éclairer par cet Amour. Laissons-nous conduire par lui. Demandons-le dans la prière et prenons le temps de refaire nos forces à cette source et à ce sommet qu’est l’Eucharistie, sacrement de l’Amour. Le Seigneur Jésus nous envoie dans ce monde tel qu’il est pour y porter le témoignage de son Amour victorieux de la mort, « avec douceur et respect » (Cf. 1 Pierre 3,16).
Permettez-moi aussi de vous partager ces quelques questions pour vous aider à vous laisser saisir et renouveler par le Christ ressuscité.
Comment l’évènement de la Résurrection me rejoint-il, nous rejoint-il, aujourd’hui ? En quoi est-il pour moi une force et une espérance ? Comment faire vivre cette Bonne Nouvelle ?
Et si je faisais un pas vers telle ou telle personne pour partager cette Bonne Nouvelle ?
Porté(e) par cette espérance, pour qui et avec qui pourrais-je engager une œuvre de solidarité ?
La synodalité et la vie fraternelle.
L’Église n’a pas d’autre raison d’être que de rendre ce témoignage à l’Amour plus fort que la mort qui transforme et renouvelle la vie. Aussi, dans l’Église, toute organisation, toute gouvernance est ordonnée à cette mission. Par conséquent, il est important que la gouvernance de l’Église permette à tous les Baptisés, dans la diversité de leurs vocations, de participer à cette si belle mission. Voilà pourquoi il convient de promouvoir une dynamique de vie spirituelle et de vie fraternelle, en soutenant et en favorisant les petites équipes, les fraternités, les cellules ! Car personne ne peut oublier que la gouvernance de l’Église, en fidélité à Jésus-Christ, c’est l’œuvre de l’Esprit Saint !
Dans l’Esprit qui fait toutes choses nouvelles, Il est donc important que la synodalité, qui consiste à marcher ensemble, puisse se vivre et se développer dans notre Église diocésaine, dans le respect de la diversité des vocations et des états de vie, au sein des paroisses, des ensembles pastoraux, des Services diocésains et des mouvements apostoliques. La synodalité n’est pas une mode : elle est l’art de vivre en Eglise et de rendre visible l’Eglise que Jésus-Christ aime et pour laquelle il s’est livré. La synodalité est, en ce sens, un chemin de conversion, à l’écoute de l’Esprit Saint, un chemin d’ajustement de nos pratiques pastorales, communautaires et missionnaires au mystère et à la vocation de l’Église.
Pour nous aider à avancer sur ce chemin, voici quelques propositions au service de la vie spirituelle, de la formation, de la synodalité, de la vie fraternelle.
Cette liste de projets ne prétend pas être exhaustive. Elle ne s’impose pas mais se propose au service de la croissance spirituelle et humaine des personnes, et de la vie des communautés, des mouvements et des Services.
- Une proposition de Lectio divina : « Avec saint Luc, suivre et annoncer Jésus » ;
- Des propositions pour aider celles et ceux qui sont engagés au service de la mission (E.A.P, Conseils économiques, Equipes de célébration d’obsèques…) à devenir davantage des disciples missionnaires ;
- Un itinéraire pour favoriser l’expérience de la rencontre avec Dieu et entrer plus avant dans le mouvement d’une véritable conversion pastorale ;
- Apprendre à vivre la synodalité ;
- Formation à une écologie intégrale.
- D’autres initiatives missionnaires des paroisses, services et mouvements, la mission rurale verront le jour dans les semaines ou mois à venir et vous seront communiquées.
Je reçois cette parole, au terme de ce message, non pas comme un impératif destiné à mettre la pression sur qui que ce soit, mais tout simplement comme un appel à témoigner de l’actualité de la résurrection du Christ ! Oui, il est vivant et c’est une Bonne Nouvelle qui donne à la vie un nouvel horizon. Dans les épreuves et les tempêtes, il est notre espérance. Il nous invite à sauver nos fragiles embarcations intérieures et à prêter attention à sa voix qui nous éveille à la paix et à la confiance. C’est auprès de lui que nous trouverons les forces pour sortir et servir la mission. Laissons l’Esprit Saint agir en nous et nous suggérer des initiatives nouvelles. Il est une puissance d’amour et de renouveau infinie en ressources. Nous avons à vivre et semer l’évangile dans des circonstances difficiles, parfois hostiles qui ne doivent ni nous décourager ni même nous impressionner.
Oui, c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de sommeil !
+ Philippe Mousset,
Évêque de Périgueux et Sarlat