
Marie, jeune fille douce et docile dont la jeunesse est dédiée au Temple, qu’a-t-elle ressenti quand l’ange Gabriel est venu prendre son consentement en l’enjoignant de se réjouir ? Que s’est-il passé quand elle a accompagné son oui de la seule question connue : « Comment cela se fera t’il puisque je ne connais point d’homme ? » Même si l’Évangile nous dit qu’elle « méditait toutes ces choses en son cœur », nous n’en saurons pas beaucoup plus car les textes disent peu sur Marie. Paul n’en parle pas.
Tout au long des Évangiles, elle ne tient qu’un petit rôle, elle ne prend jamais la lumière, elle reste à sa place, humble et servante. Pourtant elle a accepté et a cru le plus difficile à croire, que l’enfant de sa propre chair serait le verbe incarné. Son oui contient toute la déraison du christianisme, il a changé la face du monde !
Longtemps la figure de la femme fut associée à la terre, à la fécondité, dans l’antiquité, soit elle est gardienne revêche de la sainteté du mariage, soit beauté tentatrice. Avec Marie tout change, trouvant le sens de son existence dans le don et le service, elle tient sa grandeur d’une voie cachée et offerte.

Plusieurs siècles seront nécessaires pour imposer cette image d’une femme qui engendre de l’extraordinaire en portant un enfant fruit du souffle divin. En lui donnant le titre de « Théotokos », Mère de Dieu, au Concile d’Éphèse en 431, l’Église lui reconnaît la place centrale qu’elle tient dans le mystère de l’incarnation. Peu à peu Marie sort de l’ombre en devenant une figure majeure du christianisme populaire. Des centaines de cathédrales, des milliers d’églises, des monastères, se réclament de son patronage. Elle devient la figure principale de l’art sacré dont la fonction est de rendre présent ce qui relève du mystère. Selon la tradition Saint Luc aurait réalisé trois portraits de la vierge Marie après la Pentecôte, ils auraient servi ensuite de prototypes pour les iconographes. Son image apparaît au début dans un langage codifié, hiératique, figée dans le mystère qu’elle incarne. Peu à peu le culte marial se développe, Marie inspire de plus en plus les artistes et son image évolue, elle se rapproche de l’humanité. Elle est représentée plus vivante et charnelle, tournée vers l’enfant Jésus. Vierge en majesté au Moyen Age, elle devient maternelle à la Renaissance. Blonde et diaphane, parangon de beauté et de grâce féminine elle incarne l’idéal féminin au risque de perdre sa nécessaire dimension surnaturelle.

Au fil des siècles la figure mariale évolue en fonction des soubresauts de l’Église et du monde. Selon les époques elle incarne la bonté, l’humilité, la sagesse, la miséricorde, mais aussi la souffrance des mères affligées.
Jamais elle ne cessera d’être une inspiratrice pour les artistes mais aussi pour l’ensemble du monde chrétien. Toute la ferveur qu’elle suscite éclate lors des pèlerinages qui lui sont consacrés, les foules s’y rassemblent aux quatre coins du monde car « elle a fait des merveilles et sa miséricorde s’étend d’âge en âge »
Martine Noverraz
