Texte rédigé par le père Thierry Niquot et interprété par l’équipe de Formation des disciples-missionnaires lors de la Journée diocésaine du 27 mai dernier.
Thierry
Chers amis,
Si nous ouvrons le catéchisme de l’Église catholique (au paragraphe 687), voilà ce que nous pouvons lire concernant le Saint Esprit (je cite) : » Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu » (1 Co 2, 11). Or, son Esprit qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui » a parlé par les prophètes » nous fait entendre la Parole du Père. Mais lui, nous ne l’entendons pas. Nous ne le connaissons que dans le mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à L’accueillir dans la foi. L’Esprit de Vérité qui nous » dévoile » le Christ » ne parle pas de lui-même » (Jn 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi » le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît « , tandis que ceux qui croient au Christ le connaissent parce qu’il demeure avec eux (Jn 14, 17).
Pauline
Pardon de vous interrompre ! Mais si j’ai bien compris ce que vous venez de dire, l’Esprit Saint est celui qui fait connaître sans être connu ? C’est quand-même un peu bizarre cette histoire !
En tout cas, je ne m’étonne pas que le pauvre Esprit Saint ait du mal à trouver sa place dans la vie des chrétiens ! C’est un inconnu ! En plus, toujours d’après ce que vous avez dit, il a l’air d’aimer agir incognito ! Alors je ne vois pas trop l’intérêt d’en parler.
Lise
Oui, c’est vrai ça ! Pourquoi parler de quelqu’un qui ne dit rien de lui-même et qui ne se montre jamais ? En même temps, je crois me rappeler que dans la bible, il apparaît parfois sous les traits d’une colombe ! Mais on ne peut quand-même pas en déduire que chaque fois qu’on voit une colombe, c’est l’Esprit Saint qui se manifeste !
Thierry
Vous avez raison, l’Esprit Saint est cet Inconnu qui nous permet de connaître Jésus et, avec lui, de reconnaître que Dieu est Père. Ce qui veut dire que nous avons tout intérêt à faire une place dans nos vies à l’Esprit Saint pour devenir vraiment chrétiens, disciples de Jésus, et pour vivre en enfants de Dieu. Il est ce souffle vivifiant qui nous permet de connaître qui est Dieu, de reconnaître qu’il est Amour et surtout de pouvoir accueillir en nous cet amour de Dieu pour en vivre ! Il est celui qui nous rend capables de respirer à pleins poumons, mais surtout à plein cœur, l’Amour qu’est Dieu pour vivre éternellement !
Marc
Pardon de vous interrompre ! J’entends bien ce que vous dites ! Mais comment reconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint, cet Inconnu ? Comment peut-on réussir à le distinguer de cet autre esprit qui a une fâcheuse tendance à se faire plus malin que nous et à nous entraîner à faire le mal que nous ne voudrions pas faire ?
Martine
C’est bien vrai ce que vous dites ! L’esprit malin a l’art et la manière de se faire passer pour celui qu’il n’est pas et si l’Esprit Saint ne se fait pas connaître, si l’Esprit Saint ne s’affirme pas, comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? On est quand-même sur une ligne de crêtes dans cette histoire !
Pauline
En même temps, si je me rappelle bien les évangiles, Jésus a dit qu’il priera le Père de nous envoyer l’Esprit et qu’il sera pour nous un Défenseur, lui l’Esprit de vérité qui sera toujours avec nous ! Donc, l’esprit malin ne devrait pas pouvoir être confondu avec l’Esprit Saint.
Thierry
Effectivement, l’Esprit Saint ne se montre pas. Il ne s’affiche pas, contrairement d’ailleurs à l’esprit malin qui ne résiste pas à la tentation de se faire valoir, à travers notamment ce qu’il suscite de manière générale, à savoir la recherche de son seul intérêt au détriment du bien des autres ! L’Esprit Saint, pour sa part, se reconnaît aux œuvres qu’il produit et l’apôtre saint Paul dans sa lettre aux Galates en dresse la liste, je cite : « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. » (Gal. 5,22). Autrement dit, l’Esprit Saint, cet Inconnu, agit en nous pour notre propre bien comme pour le bien des autres. Il est ce souffle vivifiant qui nous tourne vers les autres et nous pousse à rechercher le bien des autres plus que notre propre bien. Il est celui qui nous permet de donner corps au commandement de Jésus de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés ! C’est à cela que nous reconnaissons l’œuvre de l’Esprit Saint dans nos vies comme dans la vie des autres et que nous pouvons ainsi le distinguer de l’esprit malin. Il ne suffit pas de savoir et de croire que Jésus est ressuscité si nous ne faisons pas le choix de vivre comme des ressuscités !
Lise
Pardon de vous couper ! Mais ce que vous nous dites, signifie que c’est l’Esprit Saint qui fait vivre et revivre en nous Jésus et qui nous ressuscite intérieurement ! C’est l’Esprit Saint qui nous fait chrétiens, disciples de Jésus, et qui nous rend capables, si nous l’accueillons, de vivre en enfants de Dieu !
Marc
Oui, si je comprends bien, c’est l’Esprit Saint qui nous assure de la présence de Jésus et de celle du Père en nous. C’est lui qui atteste à notre cœur que nous sommes aimés de Dieu, comblés de son amour, portés par son amour ! Et c’est encore lui qui nous conduit à traduire concrètement dans nos vies, dans nos choix de vie, cet amour de Dieu !
Martine
Ok, j’entends bien tout ça ! Mais quid des épreuves de la vie ? Visiblement, l’Esprit Saint ne nous dispense pas d’avoir à les affronter, pas plus d’ailleurs qu’il nous protège de la mort ! Alors moi, je veux bien tout entendre, mais il est où ce souffle vivifiant quand les difficultés, la maladie, la souffrance, l’injustice, l’exclusion, la haine nous coupent le souffle et que nous sommes à bout de souffle ?
Thierry
Votre question est pertinente ! Quand Jésus se manifeste, après sa résurrection, à ses disciples, il ne vous aura pas échapper qu’il leur offre sa paix et qu’il leur donne l’Esprit Saint. Autrement dit, la paix de Jésus ne consiste pas à résoudre les problèmes de l’extérieur mais à recevoir l’Esprit Saint ! En cela consiste la paix, cette paix donnée aux Apôtres, cette paix qui ne libère pas des problèmes mais dans les problèmes, est offerte à chacune et chacun de nous comme une ouverture. C’est une paix qui rend le cœur semblable à la mer profonde qui est toujours tranquille même lorsque, en superficie, les vagues s’agitent. La paix de Jésus, c’est l’harmonie de l’Esprit.
Pauline
Oui d’accord ! Mais cette harmonie n’est pas gagnée, parce que le monde dans lequel nous vivons, a plutôt tendance à nous tirailler de tous côtés, à nous disperser et donc à nous maintenir dans l’inquiétude, ou pire dans l’angoisse ! Comment parler d’harmonie dans un climat à la fois morose et anxiogène ? Et surtout comment vivre cette harmonie ?
Lise
Si j’ai bien compris ce que vous avez dit, pour vivre cette harmonie malgré les difficultés et les problèmes extérieurs, il faut faire une place dans sa vie à l’Esprit Saint. Il faut l’accueillir en soi pour trouver auprès de Jésus le réconfort !
Marc
Autrement dit, il faut vivre dans sa bulle, en essayant de faire abstraction des problèmes et des difficultés ! Je ne sais pas si c’est possible et en plus je me demande dans quelle mesure cette attitude est chrétienne !
Thierry
Pour le coup, accueillir l’Esprit Saint pour naître à cette harmonie, ce n’est pas faire fi des difficultés et des problèmes. Ce n’est pas davantage vivre dans sa bulle, replié sur soi, ce qui, vous avez raison, est tout sauf chrétien ! L’Esprit Saint, c’est celui qui met de l’ordre dans le désordre. Il est paix dans l’inquiétude, confiance dans le découragement, joie dans la tristesse, jeunesse dans la vieillesse, courage dans l’épreuve. C’est Celui qui, entre les courants tempétueux de la vie, fixe l’ancre de l’espérance. C’est l’Esprit qui, comme le souligne saint Paul, nous empêche de retomber dans la peur parce qu’il nous fait nous sentir fils et filles aimés de Dieu (cf. Rm 8, 15). C’est le Consolateur qui nous transmet la tendresse de Dieu.
Sans l’Esprit, la vie chrétienne est effilochée, privée de l’amour qui unit tout. Sans l’Esprit, Jésus demeure un personnage du passé, avec l’Esprit il est une personne vivante aujourd’hui ; sans l’Esprit, l’Écriture est lettre morte, avec l’Esprit elle est Parole de vie. Un christianisme sans l’Esprit est un moralisme sans joie ; avec l’Esprit il est vie.
L’Esprit Saint n’apporte pas seulement l’harmonie au-dedans, mais aussi au dehors, entre les hommes. C’est lui qui construit l’Église, en assemblant des parties différentes en un unique édifice harmonieux.
Martine
Pardon de vous interrompre mais vous êtes un doux rêveur ! L’harmonie au dehors ? Moi je voudrais bien, mais le constat est toujours le même : dans l’Eglise comme dans le monde, les différences sont la cause de rivalités, de jalousies et de conflits !
Pauline
C’est clair, il n’y a qu’à voir nos communautés chrétiennes ! On a plutôt l’impression que chacun essaie de tirer la couverture à soi et cherche à défendre ses intérêts au lieu de rechercher le bien de tous et de faire des différences une source d’enrichissement !
Lise
Ah oui, c’est vrai ça ! Dans la communauté dont je fais partie, quand c’est tel groupe qui anime la messe, ça ne plaît pas aux autres qui trouve toujours à redire quant au choix des chants ! Comme si chacun partait du principe que sa manière de prier est la meilleure et que tous les autres doivent l’adopter ! Et je ne vous parle pas de ceux qui sont engagés auprès des plus démunis et qui sont parfois regarder de haut par certains parce qu’à leurs yeux, l’Eglise n’est pas d’abord une ONG ou une association caritative !
Marc
Oui, c’est dommage cet état d’esprit qui consiste toujours à voir ce qui ne va pas plutôt qu’à regarder ce qui est bon, ce qui est bien, pour s’en réjouir et en rendre grâce à Dieu ! C’est étonnant que, comme chrétiens, disciples de Jésus, nous ne soyons pas portés à rechercher des solutions là où surgissent des problèmes et surtout à faire en sorte que nos différences deviennent une force pour nous permettre de rejoindre les personnes dans leurs diversités !
Thierry
L’harmonie entre les hommes qui est un don de l’Esprit Saint ne résulte jamais de la négation des différences ou de l’atténuation de ces différences ! Saint Paul nous le rappelle quand il écrit dans la 1ère lettre aux Corinthiens : « Dans l’Eglise, les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. » (1 Co 12, 4-6). Nous sommes différents dans la variété des qualités et des dons. L’Esprit les distribue avec générosité, sans aplatir ni homologuer. Et, avec cette diversité, il construit l’unité.
Il fait ainsi depuis la création parce qu’il est spécialiste dans la transformation du chaos en cosmos, dans la mise en harmonie. Il est spécialiste dans la création de ces richesses variées et différenciées qui manifestent ce que chacun a d’unique. Lui, il est le créateur de cette diversité et, en même temps, il est Celui qui harmonise, qui donne l’harmonie et donne unité à la diversité. Lui seul peut réaliser la communion dans et avec ce qui nous différencie les uns des autres.
Martine
Autrement dit, nous avons besoin de l’Esprit d’unité qui nous régénère comme Église, comme Peuple de Dieu et comme humanité entière.
Thierry
Oui, parce qu’il y a toujours la tentation de vivre en réseaux : de se réunir autour de son propre groupe, de ses propres préférences, le semblable avec le semblable pour se protéger de la différence perçue comme une menace ! Et du petit réseau à la secte, il n’y a qu’un pas, même dans l’Église. Que de fois on définit sa propre identité contre quelqu’un ou contre quelque chose ! L’Esprit Saint, au contraire, relie les distances, unit les lointains, ramène les égarés.
« L’Esprit-Saint non seulement se manifeste à travers une symphonie de sons qui unit et qui compose harmoniquement les différences mais il se présente comme le chef d’orchestre qui fait jouer les partitions des louanges pour les « grandes œuvres » de Dieu. L’Esprit-Saint est l’artisan de la communion, il est l’artiste de la réconciliation qui sait enlever les barrières entre juifs et grecs, entre esclaves et hommes libres, pour faire d’eux un seul corps. Il édifie la communauté des croyants en harmonisant l’unité du corps et la multiplicité des membres. Il fait grandir l’Église en l’aidant à aller au-delà des limites humaines, des péchés et de n’importe quel scandale. » (Pape François, Audience générale du 19 juin 2019)
Pauline
Autrement dit, avec l’Esprit Saint, les choses changent : avec l’Esprit, l’Église est le Peuple saint de Dieu, la mission est la contagion de la joie et non pas le prosélytisme, les autres des frères et des sœurs aimés du même Père qui nous les confie pour les aimer. Mais sans l’Esprit, l’Église est une organisation, la mission une propagande, la communion un effort surhumain !
Lise
Alors, nous avons tout intérêt à le prier lui, l’Inconnu, lui qui ne parle pas mais qui nous permet d’accueillir la Parole de Dieu dans nos vies et de parler les uns avec les autres pour que, par notre manière de vivre ensemble, forts de nos différences, de ce que chacun de nous a d’unique, nous puissions rendre visible l’Amour qu’est Dieu.
Thierry
Vous m’ôtez les mots de la bouche ! En accueillant l’Esprit Saint, nous nous donnons les moyens de vivre notre vie chrétienne à fond ! Alors, laissons-nous aller à l’Esprit. Hissons la voile de nos cœurs au vent de l’Esprit Saint et laissons-nous conduire par lui. Lui seul sait la route qui est bonne pour nous. Il faut seulement accepter de nous ajuster à lui.
Voilà pourquoi il est bon, régulièrement dans notre vie chrétienne, de pouvoir nous laisser renouveler par l’Esprit. La fête de la Pentecôte cette année nous est offerte pour que nous prenions pleinement le vent de l’Esprit. Alors, demandons au Seigneur la grâce de recevoir vraiment l’Esprit Saint. Invoquons-le. Appelons-le, sur nous, sur nos familles, sur nos paroisses, sur notre Église et sur le monde. Demandons au Seigneur la grâce d’une nouvelle Pentecôte, qui transformera durablement notre vie chrétienne.