« Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 19-20)
Chers frères et sœurs, chers amis,
C’est bien en partant de la finale de l’évangile selon saint Matthieu que je souhaite vous faire part de ma réflexion et vous proposer une feuille de route pour que nous avancions ensemble sur les chemins de la mission de l’Église qui est en Périgord !
Depuis dix ans déjà, je sillonne notre diocèse en ayant à cœur d’écouter ce qui se vit, et je peux attester que l’envoi en mission de Jésus reste pour la majorité d’entre vous d’une actualité brûlante. Le premier objectif annoncé est sans ambiguïté à mes yeux : « faites des disciples ». Oui, mais voilà, comment faire des disciples dans un monde qui a considérablement changé ? Probablement comme beaucoup d’entre vous, j’ai le sentiment, face à ce beau défi, de me trouver devant la porte étroite de l’évangile avec des bagages trop gros, remplis de ces certitudes qu’il n’y a rien à changer dans nos manières de faire et de vivre parce qu’on a toujours fait comme ça ! Nous le savons : la tentation est grande face au défi de l’évangélisation de nous replier frileusement sur nous-mêmes et de ne compter que sur nos propres forces dont nous constatons pourtant qu’elles s’amenuisent ! Or, dans la finale de saint Matthieu, avant l’envoi en mission, il y a la rencontre de Jésus, Christ et Seigneur. « Quand ils le virent, ils se prosternèrent … ». Comme un appel à ne pas oublier que dans la mission de l’Eglise tout commence avec la rencontre étonnante du Christ !
Je ne vous apprends rien en soulignant que nous sommes entrés dans des temps nouveaux pour l’évangélisation. Certes, nous sommes plus pauvres en personnes et en moyens financiers, davantage encore dans les diocèses ruraux comme le nôtre où nos institutions se sont affaiblies et fragilisées. Dans ce contexte d’appauvrissement, seule la rencontre du Christ vécue au quotidien peut nous permettre de reconnaitre tout ce que Dieu nous donne déjà : ces personnes, jeunes et adultes, qui reçoivent le baptême ou le sacrement de confirmation comme on entre dans une vie nouvelle et qui attendent de nous et de nos communautés que nous les aidions à affronter avec eux le mystère de la vie avec la force de la foi.
Oui, avec l’envoi en mission des disciples du Christ que nous sommes et que nous voulons être, comment ne pas entendre, accueillir et accompagner ces attentes de plus en plus exprimées, sans complexe et sans détour, par des nouveaux croyants, des catéchumènes, des recommençants, des jeunes et des enfants qui vivent l’entrée dans le mystère de la foi comme un renouveau dans leur existence ?
Le fondement de tous nos engagements ecclésiaux, c’est bien l’annonce de l’évangile et la proposition de la foi. Car, « celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer » (Saint Jean Paul II, Au début du nouveau millénaire N°40). Oui, si nous avons vraiment fait l’expérience de la présence du Seigneur ressuscité comme une source vivifiante pour nous-mêmes, comment ne pas être habités par le désir que d’autres puissent faire cette même expérience ? Seule la rencontre du Christ peut nous conduire à répondre, d’une manière renouvelée et dans l’Esprit Saint, à l’appel qu’il nous adresse aujourd’hui à faire des disciples !
C’est pourquoi je souhaite que puissent se développer les groupes de partage de la Parole de Dieu, pour qu’ensemble, à l’écoute de cette Parole qui nous est donnée à accueillir dans les Saintes Écritures, nous nous aidions à reconnaître la présence du Seigneur dans nos vies et dans la vie de ce monde et que nous nous laissions renouveler par ses paroles qui sont esprit et vie (des documents diocésains existent pour accompagner cette démarche).
C’est bien cette écoute partagée de la Parole de Dieu qui nous conduit à reconnaître les conversions personnelles et pastorales que nous avons à vivre aujourd’hui pour mieux servir la mission d’une Église en sortie, selon l’expression du Pape François.
Cet appel à sortir et à rejoindre toutes les périphéries existentielles est adressé à tous, tant sur le plan personnel qu’au sein de nos communautés paroissiales, des Services diocésains, des Mouvements et de l’Enseignement Catholique. Il en va de l’élan missionnaire de notre Église diocésaine.
Dans cette dynamique missionnaire, le temps est venu d’élaborer dans chaque paroisse un projet missionnaire au plus près des personnes, des communautés et de la vie des territoires. Et si ce projet existe déjà, il peut s’avérer important d’y revenir pour l’aménager en tenant compte des changements intervenus depuis son élaboration. Dans tous les cas, il nous faut apprendre à voyager plus léger. Et, même si cela s’avère parfois difficile, il y a urgence à discerner les priorités missionnaires dans les paroisses en cherchant à y associer tous les baptisés. Car, même si l’évangélisation passe par des personnes, elle est toujours à vivre en Église.
- Dans cet esprit et cette perspective, j’invite toutes les communautés paroissiales à s’interroger : où, quand, comment et avec qui les initiatives et les priorités missionnaires sont-elles discutées, débattues, définies ? Comment les différents charismes sont-ils pris en compte ? Quels moyens prenons-nous pour solliciter des personnes au-delà de nos cercles habituels ? Comment aidons-nous les personnes appelées à se former pour servir la mission de l’Église ? Comment l’ensemble des baptisés, dans la diversité de leurs charismes, de leurs choix de vie, de leur consécration et de leurs engagements, sont-ils informés et invités à participer à ce travail de discernement ?
- Dans une dynamique missionnaire, les assemblées paroissiales constituent un moyen privilégié pour associer l’ensemble des baptisés à ce travail de discernement. Il est important qu’elles puissent notamment contribuer à définir la visée missionnaire de la communauté paroissiale et à préciser les modalités de sa mise en œuvre.
Sans doute, faudra-t-il proposer des manières de les organiser pour qu’elles soient vécues dans un esprit synodal. Le Service diocésain de formation, en lien avec le Conseil épiscopal, veillera à répondre aux demandes d’aides exprimées dans ce sens. - Dans notre diocèse, nous disposons d’un guide pastoral pour la vie des paroisses qui a été élaboré en 2010, après le rassemblement Cap Espérance. J’ai demandé, en raison des changements intervenus depuis, qu’il soit mis
à jour pour redéfinir plus particulièrement la mission propre des Equipes d’Animation Pastorale et leur articulation avec les différents Conseils et groupes qui, dans nos paroisses, sont au service de la mission de l’Église. - Parce que l’Église est communion, je demande que, dans une dynamique missionnaire, des relations plus fortes soient développées entre les paroisses pour favoriser l’enrichissement réciproque et la mutualisation d’un certain nombre de moyens. L’Ensemble pastoral me semble être, de ce point de vue, un bel espace pour vivre ces échanges d’expériences et porter ensemble des projets pastoraux.
- Dans une perspective missionnaire, je veux aussi encourager mes frères prêtres et diacres à poursuivre et intensifier les temps de rencontre, de partage, de vie spirituelle et fraternelle.
La Curie diocésaine (accueil à l’évêché, Chancellerie, Economat, Officialité) et les Services diocésains, hébergés au Centre Madeleine Delbrêl, sont aussi appelés à vivre une conversion pastorale dans ce contexte de changement d’époque. Un projet de refondation est en cours d’élaboration.
Il permettra aux Services diocésains, le moment venu, de mieux travailler ensemble. Dans cette perspective, et pour mener à bien ce projet, je m’engage à réunir tous les responsables de Services dans les semaines à venir.
Le projet de réforme de la Curie diocésaine contribuera, pour sa part, à favoriser la communion entre tous et à faciliter l’action missionnaire de notre Église diocésaine.
« Nous sommes aussi appelés à devenir experts dans l’art de la rencontre. Non pas dans l’organisation d’évènements, ou dans la réflexion théorique sur des problèmes, mais avant tout dans le fait de prendre le temps de rencontrer le Seigneur, et de favoriser la rencontre entre nous ». (Pape François, Homélie pour l’ouverture du Synode sur la synodalité, octobre 2021)
Pour devenir des experts dans l’art de la rencontre, je vous encourage à créer des petites fraternités missionnaires qui, reliées les unes aux autres, dans un esprit d’ouverture à tous et d’attention aux plus petits et aux plus fragiles, nous aideront à montrer le Christ par toute notre vie. Vivons de telle façon qu’en nous voyant vivre, on en vienne à se demander « qui est celui qui nous fait vivre ? » !
Avec ces petites fraternités missionnaires, unies les unes aux autres, nous apprendrons, dans l’Esprit Saint, à nous soutenir les uns les autres pour avancer ensemble sur les chemins de la mission en Périgord.
Dans le contexte actuel, il est important que nous puissions témoigner d’une vie fraternelle qui nous enracine toujours plus dans le Christ, premier-né d’une multitude de frères, d’une vie fraternelle qui s’enrichit des différences et de ce que chacun a d’unique, d’une vie fraternelle qui se déploie dans l’attention aux plus petits et dans le service du frère, quel qu’il soit, d’une vie fraternelle qui évangélise, d’une vie fraternelle qui nous forme à être et à devenir des disciples missionnaires.
Dans cette perspective, je souhaite constituer, le plus rapidement possible, un Conseil diocésain missionnaire, auquel je demanderai de réfléchir aux accompagnements nécessaires et aux outils à mettre en place, jusqu’à la prochaine étape fixée à la Pentecôte 2026, afin de développer une culture de l’appel dans notre Église diocésaine et d’associer le plus largement possible des personnes à cette dynamique missionnaire, sous le signe de la communion fraternelle.
N’oublions pas, dans cette transformation pastorale et d’élaboration de projets missionnaires, l’essentiel du message qui nous est confié, à savoir l’amour dont Dieu aime le monde jusqu’à donner sa vie en son Fils pour notre salut et le salut de tous les hommes, qu’ils le sachent ou non, qu‘ils l’accueillent ou le refusent. Et, pour avancer sur les chemins de la mission, gardons au cœur ces paroles de la vénérable Madeleine Delbrêl, notre compatriote : « […] On ne peut pas être missionnaire sans avoir fait en soi cet accueil franc, large, cordial à la Parole de Dieu, à l’Évangile, […] et quand nous sommes ainsi habités par elle, nous devenons aptes à être missionnaires ». (La sainteté des gens ordinaires)
En la fête de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, Patronne des missions
1er octobre 2024
+ Philippe MOUSSET,
Evêque de Périgueux et Sarlat