L’Église a aussi besoin de diacres
par le père Jean Marie Bouron, délégué diocésain prêtre au diaconat permanent
Les leçons de l’histoire
Les diacres sont nés des besoins des communautés locales, à l’image d’Étienne et de ses compagnons, choisis par l’Église de Jérusalem pour assurer le service des femmes veuves de la communauté de langue grecque (Actes des Apôtres, 6 : 1-7). Cette origine a valeur de symbole, nous rappelant que la mission des diacres est toujours à préciser en fonction des besoins de l’Église en tel lieu et à telle époque. C’est bien en ce sens que le concile Vatican II a restauré le diaconat comme ministère permanent et a laissé aux Conférences épiscopales le soin de décider de l’opportunité de la restauration effective du diaconat pour les communautés confiées à leur ministère.
Les besoins de l’Église primitive étaient grands. Pendant quatre siècles, le nombre des diacres augmente progressivement. Auprès de l’évêque leur influence grandit, leur rôle liturgique et pastoral prend de plus en plus d’importance, au point qu’il est parfois nécessaire de leur rappeler qu’ils sont serviteurs.
Dès la fin du 4e siècle, à Rome, les diacres délaissent le plus souvent les activités de charité et s’en déchargent sur des ministères subalternes, ouvrant ainsi la porte aux « ordres mineurs » tels que nous les avons connus jusqu’à la réforme liturgique qui a suivi le dernier concile.
L’abandon progressif du service des pauvres entraînera le déclin du diaconat comme ministère permanent. Depuis le 10e siècle, dans l’Église latine, le diaconat sera vécu davantage comme un organe témoin que comme une réalité vivante.
Jamais abandonné dans les Églises d’Orient, remis en honneur à la Réforme, sous son aspect social et caritatif, le diaconat devra attendre Vatican II pour renaître comme un ministère permanent.
La restauration du diaconat permanent
Le 29 octobre 1963, au cours du débat sur l’Église, les Pères du concile, notamment des évêques missionnaires, répondent très favorablement à la question sur « l’opportunité d’instaurer le diaconat comme degré distinct et permanent du saint ministère, selon les besoins de l’Église dans les diverses contrées ».
La « Constitution sur l’Église » précisera que « le ministère ecclésiastique, institué par Dieu, est exercé dans la diversité des ordres par ceux que déjà depuis l’antiquité on appelle évêques, prêtres, diacres… » (LG. § 28). S’il est vrai que le ministère institué par le Christ comporte les évêques, les prêtres et les diacres, il faut le faire exister à ce triple niveau. La disparition de l’un d’eux serait source d’appauvrissement pour le ministère apostolique.
Dans le paragraphe suivant (LG. § 29), le texte du concile présente une énumération des activités des diacres : « … il appartient aux diacres d’administrer solennellement le baptême, de conserver et distribuer l’Eucharistie, d’assister, au nom de l’Église, au mariage et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la Sainte Écriture, d’instruire et exhorter le peuple, de présider au culte et à la prière des fidèles, d’être ministres des sacramentaux, de présider aux rites funèbres et à la sépulture. Consacrés aux offices de charité et d’administration, les diacres ont à se souvenir de l’avertissement de saint Polycarpe : “être miséricordieux, zélés, marcher selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous”. Comme la discipline actuellement en vigueur dans l’Église latine rend difficile, en plusieurs régions, l’accomplissement de ces fonctions extrêmement nécessaires à la vie de l’Église, le diaconat pourra, dans l’avenir, être rétabli (restitui) en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie…. »
Sa restauration en France
En France, l’Assemblée plénière des évêques a décidé en 1966, le rétablissement du diaconat permanent. En novembre 1968, elle inscrit ce rétablissement dans sa démarche missionnaire, en estimant « très souhaitable » que les candidats au diaconat soient suscités et accueillis par des communautés chrétiennes « ayant pris conscience de leur mission dans l’Église ».
La charte du diaconat sera explicitée en 1970, dans un texte de l’Assemblée : « Les évêques français marquent leur préférence pour des diacres qui quotidiennement en contact des hommes grâce à leur situation familiale et professionnelle puissent, en pleine vie, témoigner du service que le Peuple de Dieu doit rendre aux hommes à l’exemple du Christ. Les premiers diacres ont été choisis en tenant compte de leurs engagements en différents secteurs de la vie des hommes et de leur appartenance à des unités pastorales déjà engagées dans la même action missionnaire. Les diacres permanents participeront aussi d’une manière qui leur sera propre à l’effort de l’Église hiérarchique pour rencontrer l’incroyance et la misère et se rendre plus présente au monde. Ils garderont leurs engagements antérieurs compatibles avec le ministère diaconal ».
Le diaconat en Périgord
Douze ans après le rétablissement du diaconat en France, Monseigneur Jacques Patria ordonne Claude Maubourguet, premier diacre du diocèse de Périgueux, le 4 mai 1978, en la cathédrale de Sarlat. Il achève ainsi son homélie : « Puisse votre exemple encourager ceux qui dans le diocèse réfléchissent à un éventuel diaconat. En cette heureuse circonstance, je lance un appel à de nouveaux candidats acceptant d’être ordonnés pour signifier par leur vie, leur comportement et par certaines de leurs tâches, l’amour du Christ qui doit brûler au cœur de tout apôtre et enflammer l’Église pour le service de tous les hommes nos frères ».
Au cours des 33 années qui nous séparent de cette première ordination, 12 nouvelles ordinations diaconales ont été célébrées en Périgord.
Aujourd’hui, notre évêque lance à nouveau l’appel à ce ministère, en « invitant les communautés chrétiennes à oser appeler certains de leurs membres à vivre ce ministère. »
Dès la rentrée prochaine, un petit groupe de « candidats au diaconat » qui ont entendu cet appel commencera à réfléchir à ce ministère.
Lentement, le diaconat permanent trouve sa place en Périgord. Avec lui, pourra naître un nouveau visage de notre Église. À nous de savoir accueillir et relayer cet appel de l’Esprit.
J-M B, article publié dans Église en Périgord 2011 – n°12, consacré au diaconat