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Homélie de la messe chrismale

« La force du Christ nous imprègne… capable de transformer nos poings qui se ferment en mains qui s’ouvrent pour offrir et recevoir »

La messe chrismale traditionnellement se vit avec la présence du peuple de Dieu, autour de leurs prêtres, de leurs diacres, de leurs religieux et consacrés pour ce moment exceptionnel où l’évêque consacre les huiles saintes par lesquelles Dieu fait pénétrer sa grâce dans notre humanité. Cette année le peuple est absent ainsi que les prêtres, les diacres et les consacrés, en attendant que nos assemblées puissent se retrouver. Mais quelques-uns sont là, en nombre très réduit, rappelant au titre de leur ministère de prêtre, de diacre, de leur vocation religieuse, familiale d’époux ou d’épouse, de jeune étudiante… que c’est toute l’Église qui est là, dans une communion spirituelle avec tous.

Les lectures, le psaume aussi, nous parlent de ceux qui ont reçu l’onction: le serviteur de Dieu chez Isaïe, le roi David, et Jésus, Notre Seigneur. L’onction que l’on reçoit, est pour oindre le peuple des fidèles de Dieu dont ils sont les serviteurs. Leur onction est pour les pauvres, pour les prisonniers, pour les opprimés… (Une très belle image de cet « être pour » du Saint Chrême est celle que nous offre le psaume 133 : « On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron, qui descend sur les bords de son vêtement » (v. 2). L’image de l’huile qui se répand – qui descend de la barbe d’Aaron jusqu’à la bordure de ses vêtements sacrés, est l’image de l’onction sacerdotale qui, à travers celui qui est oint, arrive jusqu’aux confins de l’univers représenté par les vêtements).

Par l’onction, la force du Christ nous imprègne jusqu’à nous toucher au plus intime de nous-mêmes, capable de traverser nos portes verrouillées pour ouvrir ce qui en nous se ferme, d’attendrir ce qui se durcit, transformer nos poings qui se ferment en mains qui s’ouvrent pour offrir et recevoir, de nous libérer de nos péchés. Tout cela provoque notre joie, joie doublée de la certitude qu’à travers les évènements de la vie, heureux ou pas, ou difficiles comme ceux que nous traversons, nous ne sommes et nous ne serons jamais seuls : Dieu se donne.

Nous croyons que deux mille ans d’histoire du christianisme ont passé sans atténuer la fraîcheur de l’Evangile que Jésus nous demande d’annoncer « Allez de toutes les nations faites des disciples et baptisez les … ».

Une annonce qui redit avec la même fraîcheur qu’aujourd’hui, un Sauveur vous est né, qu’aujourd’hui s’accomplit la parole que vous venez d’entendre. Qu’Aujourd’hui le Salut est arrivé dans votre maison.

Frères et sœurs, ce soir, dans cette cathédrale vide, c’est Mystérieusement toute la vie de notre Église qui va, dans la joie et la simplicité, « puiser les eaux aux sources du salut », comme le disait Isaïe dans un autre oracle (Is 12, 3).

Les circonstances donnent aux gestes que je vais effectuer tout à l’heure une portée toute particulière. En effet, comment pourrais-je bénir l’huile des malades sans penser aux malades si nombreux ces derniers temps, sans penser aux soignants, à tous les personnels médicaux, sans penser à ceux qui souffrent de solitude, chez eux ou dans des EHPAD, sans évoquer tous ceux qui, en temps normal, visitent les malades au nom de la communauté chrétienne, dans les cliniques et les hôpitaux du diocèse ? Et comment pourrais-je bénir l’huile des catéchumènes sans avoir en mémoire les lettres des catéchumènes adultes (près de 30) qui devaient être baptisés au cours de la nuit de Pâques dans les paroisses du diocèse et qui devront patienter encore un peu, avec l’aide de tous ceux qui les accompagnent au nom de notre Église diocésaine ? Et puis comment pourrais-je consacrer l’huile du Saint Chrême, sans penser à tous ceux qui seront ensuite consacrés par l’onction de cette huile, tous ceux qui recevront les sacrements du baptême et de la confirmation…

C’est toute notre Église qui est rassemblée en profondeur, et qui ce soir retient son souffle pour mieux laisser souffler l’Esprit. Que cet Esprit du Seigneur repose sur nous, qu’il nous consacre et nous envoie.

Frères et sœurs, prenons bien conscience, ce soir, que c’est toute l’Église qui est appelée à devenir, dans le Christ, le sacrement universel du salut, de ce salut dont le monde d’aujourd’hui a tant besoin !

Que les prêtres configurés au Christ, unique Prêtre et Bon Pasteur, sont heureux de vivre leur sacerdoce ministériel en le mettant au service du sacerdoce commun des baptisés. Nous pensons à nous prêtres aînés retirés, ou malades, fatigués et nous prions pour eux. Que les diacres permanents entraînent notre Église sur les chemins du service, ainsi que Jésus lui-même l’a annoncé dans la synagogue de Nazareth. Que vous tous, laïcs, religieux et religieuses, personnes consacrées au Seigneur, viviez pleinement votre vocation baptismale dans la diversité de vos états de vie. Votre vocation première, en tant que baptisés, n’est pas d’abord de soutenir des structures ecclésiales, mais de porter l’Évangile au monde où vous vivez et travaillez quotidiennement.

Sachons-nous réjouir de la vocation des autres : c’est le meilleur moyen de bien comprendre l’originalité et la signification profonde de la nôtre. Venons avec joie puiser les eaux aux sources du salut ! Prenons le tablier de service et laissons-nous conduire par le Seigneur, par l’intercession de la Vierge Marie. Amen !

+ Philippe MOUSSET
Evêque de Périgueux et Sarlat

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