Homélie de Mgr Philippe Mousset
Les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole… ». Ecoutons bien, chers frères et sœurs consacrés, et nous tous, ici, rassemblés. Jésus n’a pas appelé les disciples, et n’appelle pas seulement à partir de lui-même dans son humanité de Fils, mais toujours en référence à l’Amour infini de Dieu son Père pour le monde et l’humanité. « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux ». Quelle clarté resplendissante dans le cœur et la tête du Christ ! Que ces paroles soient comme une onction de nos vies : Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux.
Tous, à la suite du Christ, en Lui, nous sommes invités à faire connaître le nom de Dieu par notre manière de vivre en ce monde. En effet, en se faisant connaître dans le Christ – et le Christ de dire Père Je leur ai fait connaître ton nom et je leur ferai connaître …-, Dieu accepte de se rendre présent dans notre monde. En Jésus, Dieu entre totalement en ce monde pour être parmi-nous, avec nous, d’une manière radicalement nouvelle. « Qui me voit, voit le Père » Jn 14,9 nous dit Jésus. Comprenons, frères et sœurs, dans sa prière sacerdotale, c’est à dire lorsqu’il s’en remet totalement à Dieu son Père avant d’entrer dans l’étape cruciale et fondamentale de la passion et que Jésus dit je leur ai fait connaître ton nom et je leur ferai connaître, en LUI, Dieu est vraiment le « Dieu avec nous ». Par l’évènement de sa mort et sa résurrection, il se rend présent pour l’humanité entière. Le but de cette révélation du nom de Dieu, est que « l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et que moi aussi je sois en eux ».
Désormais, en Jésus Christ, Dieu est vraiment devenu accessible à tous et pour tous. Même aux petits, aux pauvres, à ceux qui sont en errance dans leur vie. L’accessibilité de Dieu, par le Christ, est pour tous : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles, et de l’avoir révélé aux petits ». C’est à dire, aux humbles, à ceux et celles qui se savent pauvres et mendiants de la seule et vraie richesse : l’amour de Dieu le Père pour tous, livré en son Fils Jésus pour la multitude. Le pape François disait « Nous tous chrétiens, nous sommes petits mais forts dans l’Amour de Dieu ».
En cette année du Jubilé de la Miséricorde, l’expression de Jésus Je leur ferai connaître ton nom revêt une importance particulière : le nom de Dieu est miséricorde et indique l’axe missionnaire de toute l’Eglise : permettre la rencontre avec cet amour viscéral qu’est la miséricorde de Dieu. Offerte à tous.
Pour cela l’Eglise a besoin plus que jamais des consacrés, qui, par les conseils évangéliques, rendent visibles aux hommes d’aujourd’hui la miséricorde de Dieu, sa tendresse pour chaque créature. Nous savons tous que la crise de l’humanité contemporaine n’est pas superficielle, elle est profonde, et qu’il y a besoin de repères pour mener sa vie selon l’Esprit et d’être des témoins de la miséricorde de Dieu. La vie consacrée est donc une mémoire vivante de ce que nous disions à l’instant, « du Fils appartenant totalement au Père, qui est vu, vécu et présenté comme unique Amour (c’est cela la virginité), comme unique richesse (c’est cela la pauvreté), comme unique réalisation (c’est cela l’obéissance). Il est beau et juste de remercier le Seigneur pour le grand don de la vie consacrée, qui enrichit et réjouit l’Eglise par la multiplicité des charismes et le dévouement de tant de vies totalement données au Seigneur et aux frères».
Le pape confiait aussi son souhait de la journée dédiée à la vie consacrée : « Je désire donc que la célébration de la journée de la vie consacrée en cette fête liturgique rassemble les personnes consacrées et le peuple chrétien pour chanter avec la Vierge Marie, les merveilles que le Seigneur accomplit encore en tant de ses fils et de ses filles et pour manifester à tous que la condition du peuple saint de Dieu est d’être un peuple entièrement consacré au Seigneur.»
Nous vibrons tout naturellement à ce désir exprimé par le pape : le peuple chrétien réuni avec ses membres consacrés ou les personnes consacrées entourées de tous leurs frères et sœurs dans le Christ. Nos communautés, comme chacun de nous en Périgord, ont tellement reçu (et reçoivent) de la présence de communautés religieuses, de laïcs consacrés, de vierges consacrées.
En rencontrant les consacrés sur notre diocèse, je découvre aussi tout un réseau de personnes autour de vous qui partagent ce que vous portez dans le charisme particulier qui vous est donné. C’est une richesse pour la vie et la mission de l’Eglise. Une de ces richesses est l’intériorité, la vie intérieure pour entendre les appels du Seigneur, sa parole aujourd’hui qui peut germer dans ceux et celles qui l’entendent pour porter du fruit, le fruit de l’évangile. Il est évident que la parole de Dieu est essentielle. Elle peut devenir dans nos déserts contemporains comme une source qui indique la vie, un chemin de vie authentique possible.
Qui a rencontré le Christ, comme la samaritaine au puits, ne peut garder pour lui cette expérience, mais il ressent le désir de la partager, pour conduire d’autres personnes à Jésus (cf. Jn 4). Nous devons tous nous demander si ceux qui nous rencontrent perçoivent dans notre vie la chaleur de la foi, voient sur notre visage la joie d’avoir rencontré le Christ !
+ Philippe MOUSSET, Evêque de Périgueux et Sarlat
Cathédrale St Front de Périgueux, le 31 janvier 2016